The Big Combo

Titre français : « Association criminelle » de Joseph H. Lewis.

Le lieutenant Diamond s’use à traquer un chef de gang nommé Mister Brown mais en dépit de tous les moyens qu’il déploie, celui-ci reste intouchable. Le policier s’entête, sans doute mû par son attirance pour Susan Lowell. Ancienne pianiste devenue l’amante officielle du criminel, celle-ci finit par craquer offrant au lieutenant Diamond une mince piste pour faire choir Mister Brown…

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Quitte à tomber à mon tour dans le style de phrases péremptoires que j’exècre habituellement, il me faut l’avouer sans détour : à mon sens, le film noir est le genre cinématographique par excellence. Offrant des intrigues souvent réduites à l’essentiel (meurtre, trahison, vol, chantage…) pour mieux explorer les tréfonds de l’âme humaine dans ses pires turpitudes, il s’avère le lieu ultime du basculement (du bien au mal, du moral à l’amoral, de l’humain à l’inhumain, exprimez-le comme vous le voulez) et le traitement stylistique de ce flou, de cette « frontière », permet toutes les audaces aux cinéastes s’y attelant. Le bon film noir n’est donc pas celui qui repose sur une intrigue tarabiscotée, sur des retournements de situation, ou sur la surprise permanente, c’est celui qui offre la plongée la plus profonde, la plus radicale, au sein de l’obscurité intrinsèque à l’homme. Eh oui, Joseph H. Lewis et Tchekhov, même combat !

The Big Combo – Association criminelle en vf – en est l’un des plus brillants exemples, par l’épure de son intrigue et l’efficacité du traitement d’icelle par Lewis. Cornel Wilde y incarne un flic honnête, prêt à tout pour coincer l’arrogant Mister Brown (génial Richard Conte), mais qui tombe amoureux de la copine de celui-ci (Jean Wallace : femme de J.H. Lewis dans la vraie vie). Dès les premières minutes, Lewis expose l’idée de contraste qui illustre tout le film : contraste social entre le pauvre flic et le riche malfrat narguant celui-ci, accentuant ses sentiments d’impuissance et de revanche (quand je vous dis que le film noir fait appel aux sentiments les plus primitifs de l’être humain) ; contraste de lumière, ensuite, grâce au travail incroyable du chef op’ John Alton, entre l’obscurité envahissante et ces touches lumineuses (la lampe du flic dans son bureau, la cigarette de Fante dans l’entrepôt…) ; contraste de ton, également, le film fonctionnant par ruptures continuelles, avec des pics d’intensité d’anthologie, tant par leur violence (la torture au solo de batterie !!!) que leur subversion (par une mise en scène sublimement évocatrice, qui va au plus loin en évitant tous les codes de censure).

Epoustoufflant, implacable pour chacun de ces personnages, le film comporte comme cerise sur la forêt noire l’une des plus brillantes, géniales, fabuleuses (arrêtez-moi je n’en puis plus) séquences de l’histoire du film noir, tant par son montage que par un incroyable traitement sonore. Ne serait-ce que pour cette scène, The Big Combo serait déjà un grand film. Par le trouble infini, la cruauté sans compromis et la complexe simplicité qu’il dégage tout du long, il en devient un chef d’oeuvre, puissant et unique.

(Source : Antoine Royer, Tv Classik)